LE CENTRE-ECOLE
(1940 - 1944)


Le Centre-Ecole, au travers de différents stages, forma : des chefs d'équipe, des chefs de patrouille, des moniteurs alpins, des chefs de cordée, des agents comptables... (Pour télécharger le texte intégral qui a été publié dans le dernier « Bulletin des Chefs », portant le n° 44, et daté du 11 Juin 1944 (!), cliquer ici).

Jusqu'à sa dissolution le 12 mai 1944, il a traversé diverses phases, au cours desquelles son rôle s'est affirmé, affiné.


1- LES DEBUTS :
L'Ecole Alpine de Chamonix (1940)

Le Centre-Ecole de "Jeunesse et Montagne", qui a tout de suite perdu tout caractère militaire, commence à Chamonix le 10 septembre 1940. Dès le 27 août, le Capitaine Faure avait réuni un certain nombre de moniteurs alpins.
Le 20 septembre, arrivée du chef Thollon qui n'a pu arriver avant par suite de mauvaises transmissions d'ordres.
Durant cette période, L'Ecole a fonctionné comme filiale du Club Alpin Français, l'instruction théorique est assurée par le moniteur P. Payot : 21 chefs de cordée furent nommés, à l'issue du stage d'alpinisme du 1er octobre au 1er novembre 1940, et 11 moniteurs auxiliaires de ski, à l'issue du stage de ski du 15 novembre au 15 décembre.
Aucune formation morale n'était donnée. La discipline n'existait pour ainsi dire pas. Seul le côté sportif (montagne ou ski) était envisagé. Les conférences étaient de caractère uniquement technique.
Le chef de Roussy de Sales prit le commandement de "Jeunesse et Montagne" en remplacement du chef Faure, parti au Maroc, et sa première visite à Chamonix eut lieu vers le 10 octobre.
Le 25 novembre, l'équipe de La Flégère se replie sur Chamonix, et, sous la direction du chef de Chézelles, elle va former la base de la future Ecole de Chaillol. Son départ devient irrévocable tandis que l'Ecole Alpine s'installe à titre privé à La Hutte, au Col de Voza.


2- LA PERIODE DES RECHERCHES
L'Ecole des Cadres : Chaillol (1940-1941)

La nouvelle Ecole des Cadres prend la succession non seulement de l'Ecole Alpine de Chamonix, mais surtout de l'Ecole de formation fondée au Charmant Som par le chef Fille-Lambie. Le chef Thollon assure la direction de l'Ecole des Cadres proprement dite ; le chef de Chézelles commande le Centre de Chaillol.
Le chef Ripert, qui a rang de chef de zone, dirige l'ensemble, première ébauche du groupement Dauphiné à la création duquel il consacrera désormais ses efforts.
Les chefs Constant, Crolet et Vandenbroeck sont chefs des équipes du stage. Les cadres alpins sont les mêmes qu'à Chamonix, c'est-à-dire A. Charlet, M. Bozon, A. Simond, Riondaz, Favre et P. Payot.
Pour la première fois, la formation morale est envisagée. Les chefs sont aidés par M. l'Abbé Heidsieck. La part de formation du ski reste cependant prépondérante.
C'est à partir de cette période que le Centre-Ecole va se baser surtout sur la valeur humaine des individus plus que sur leurs titres à l'arrivée. Suivant cette valeur, ils sont nommés chef d'équipe, chef de patrouille (dont la définition et l'emploi vont d'ailleurs évoluer avec le temps).
Deux stages ont eu lieu à Chaillol. il est décidé à leur issue de ne pas délivrer de brevets de moniteurs auxiliaires. Dix élèves sont convoqués ultérieurement pour un apprentissage plus poussé.
Du premier (28 décembre 1940 - 25 janvier 1941), sont sortis 15 chefs ; du deuxième (19 février - 28 mars), 16. Une quinzaine de stagiaires étaient proposés au tableau d'avancement.
Hélas, Chaillol se révèle inacceptable pour un Centre d'été. Aucun alpinisme n'y est possible. Le transfert de l'Ecole est donc décidé


3- LA PERIODE DE LA MONTAGNE :
La Chapelle-en-Valgaudemar (1941)

Au mois d'avril 1941, l'Ecole déménage et s'installe à La Chapelle, sous le commandement du chef Thollon. Implantation très différente, disséminée au possible ; 5 maisons sont louées dans le village même.
Le Centre dispose bientôt d'un portique avec agrès, d'un terrain d'athlétisme et même d'une piscine. Le refuge Xavier Blanc, à 7 kilomètres de La Chapelle, dans la haute vallée, est loué au C.A.F.
Trois stages de chefs d'équipe, tous d'une durée de cinq semaines, et trois stages de chefs de cordée se déroulent pendant le séjour de six mois en Valgaudemar. Durant ces stages, sur 105 stagiaires en tout, 18 chefs d'équipe furent nommés, 6 candidats proposés au tableau ; furent désignés 14 chefs de cordée, auxquels il faut ajouter 22 chefs de cordée nommés parmi les stagiaires chefs d'équipe.
Au cours de ces six stages, tous les sommets du Valgaudemar sont gravis par toutes les voies possibles. La montagne est donc au premier plan des préoccupations, et la formation des chefs repose en grande partie sur elle.
Cependant, la formation morale devient plus importante par les conférences, les cercles d'études, les causeries de stagiaires, les explorations régionales et une discipline plus ferme qu'au début.
Mais, une fois de plus, le Centre-Ecole va déménager. Le Valgaudemar ne se prête pas à la pratique du ski et l'espoir de retourner à Chamonix n'étant pas réalisable, les chefs Rouillon, Thollon et Payot prospectent à nouveau les Alpes à la recherche d'un lieu propice. La région de Belledonne et celle de Saint-Sorlin-d'Arves sont éliminées au profit de Pralognan-la-Vanoise (Savoie).


4- LES VRAIS DEBUTS DU CENTRE-ECOLE :
Pralognan (1941-1942)

A l'expérience, sa nouvelle résidence se révèle favorable au Centre-Ecole. Trois stages de moniteurs auxiliaires de ski se passent normalement en même temps que le stage de cadres. Dans celui-ci, la formation peut être beaucoup plus poussée du fait de sa longueur.
Diverses activités négligées jusqu ici sont à l'honneur : en particulier le modèle réduit qui cependant n'est pas encore officialisé comme matière véritable du programme.
Les conférences, causeries, cercles d'études, veillées, "dégagements", explorations se développent à leur aise pendant ces trois mois. Mais le ski trouve encore une place très importante.
Le stage de chefs d'équipe a groupé 62 candidats, du 10 janvier au 14 avril 1942. Trente furent reçus et formèrent la première promotion de l'Ecole qui ait reçu un nom : la Promotion Flandi.
Les trois stages de ski ont aussi eu lieu à Pralognan, du 15 novembre au 15 décembre 1941, du 14 janvier au 7 février 1942 et du 28 mars au 18 avril. Vingt-deux moniteurs auxiliaires de ski en sortirent.
A la suite de nouvelles négociations, la possibilité fut offerte de regagner Chamonix, et l'autorisation accordée à la fin de l'hiver. Malgré les tracas d'un nouveau déménagement, c'est avec joie que le retour au point de départ s'est préparé.


5- L'ERE DE CROISSANCE :
L'installation à Montroc (1942)

Le 3 juin, l'installation commence dans les nouveaux locaux, ancienne colonie de vacances du Syndicat des Cheminots.
Un stage de chefs d'équipe, du 22 juin au 20 septembre 1942, trois stages de chefs de cordée (22 juin -10 juillet, 27 juillet - 22 août, 1 août - 19 septembre) occupent l'été 1942. Quarante-quatre chefs d'équipe, 24 chefs de cordée y reçoivent leur formation. Cette deuxième promotion de chefs d'équipe reçoit le nom de Promotion Assolant.
Au stage, le modèle réduit devint réellement un élément du programme et un examen en sanctionna l'enseignement.
Pendant cette période, le Centre-Ecole fit 8 explorations régionales, avec une technique plus poussée.

Parallèlement à ces stages, sont organisés, à Montroc, des stages Jeux et Arts (14 octobre - 26 octobre), et des stages de comptables.

Nous arrivons ainsi à la veille de l'hiver 1942-43, qui permettra de conduire un nouveau stage de chefs d'équipe, selon une formule plus étudiée.

Entre-temps, le Centre d'Etudes devient désormais le rouage principal de J.M. : le Commissaire-chef a tenu à ce que le rôle de ce Centre dépasse largement le cadre de l'Ecole ; il sera chargé, en liaison étroite avec lui, d'assurer le lien avec l'extérieur : le Centre d'abord, puis les organismes de la Jeunesse Aérienne, les chantiers de la Jeunesse et les divers Mouvements de Jeunesse.
Il sera chargé aussi de donner corps à ses directives, et de réaliser un programme d'éducation commun à tous les Groupements, qui sera d'abord mis en application à l'Ecole.
Il est donc décidé de changer complètement la formule du Bulletin des Chefs qui va devenir l'expression d'un effort éducatif commun à tous les Groupements.
Pendant huit mois, ce Bulletin va avoir pour tâche principale de faire connaître les principaux rouages de la Famille Aérienne, en liaison étroite avec le Bureau de la Jeunesse Aérienne.

L'effort "Jeunesse Aérienne" (1942-1943)
Au 1er septembre 1942, entra en application la réforme des Centres d'Apprentissage de l'Air dans les A.I.A.
Des chefs de Formation Générale prendraient dorénavant en mains l'éducation des apprentis, et seraient recrutés parmi les chefs de J.M.
Sur les directives techniques du Chef du Bureau de la "Jeunesse Aérienne" fut entrepris l'enseignement donné à une équipe spéciale qui, assez vite, se détacha du stage normal de chefs d'équipe.
Celui-ci s'ouvrit en novembre 1942 et dura trois mois (10 novembre 1942 - 10 février 1943). Pendant la même période et jusqu'à la fin de l'hiver, trois stages de ski se déroulèrent ; ils formeront 16 moniteurs auxiliaires. Le stage de chefs d'équipe donnera la troisième grande promotion : la promotion Morel. Sur 81 candidats, 43 chefs la composèrent, dont 9 étaient désignés pour l'encadrement des Apprentis de l'Air.

D'emblée, le problème de la formation des chefs de Formation Générale apparut complexe : l'éducation des jeunes ouvriers de l'Air devait en effet amener à étudier nombre d'incidences sociales de l'idée de la Famille Aérienne. Le milieu ouvrier dont sont issus ces jeunes et où ils sont appelés à vivre a ses traditions et ses aspirations très particulières.
Le recrutement de "Jeunesse et Montagne", à partir du mois d'avril 1943, devait être composé essentiellement de jeunes ouvriers des Industries Aéronautiques.
Ainsi naquit l'idée de "stages ouvriers" ; elle se traduisit tout d'abord par un stage à Montroc de 4 ouvriers de l'A.I.A. de Limoges qui participèrent pendant plus d'un mois à la vie des équipes de stagiaires auxquelles ils furent incorporés.
Leur expérience des questions professionnelles et syndicales suscita des discussions intéressantes : il fut décidé en conséquence que les stages de chefs d'équipe à venir, tout autant que ceux de chefs de Formation Générale, comporteraient cet élément.
En même temps, devant l'ampleur des problèmes sociaux évoqués et souvent l'absence d'informations objectives à leur sujet, le principe de stages d'information sociale qui grouperaient des ouvriers et des membres du personnel de maîtrise des usines de l'Aéronautique fut décidé. Le Centre d'Etudes était chargé de préparer ces stages, et, en attendant, d'orienter vers les problèmes sociaux, particulièrement ouvriers, les préoccupations de tous les chefs.
Le Bulletin des Chefs, en même temps qu'il étudiait les divers rouages de la Famille Aérienne, entreprenait donc une étude de ces problèmes dans l'ordre où ils s'étaient posés au stage. Ce fut le "Premier Programme Social", traité dans les numéros 17 à 27 du 15 décembre 1942 au 1er juin 1943. Enfin au 1er mars 1943, l'Ecole des Cadres, sur les directives du Commissaire-Chef, et en liaison avec le Bureau de la "Jeunesse Aérienne", entreprenait la publication de "Trait d'Union de la Jeunesse Aérienne" ; cet organe avait pour but d'élargir à un public beaucoup plus vaste, sous une forme plus attrayante, les thèmes d'études du Bulletin des Chefs.


6- LA PERIODE DE MATURITÉ :
Montroc (1943)

L'été 1943 a été une période très remplie dans la vie de l'Ecole.
De nombreux stages se succédèrent de mai à octobre : deux stages d'agents comptables, un stage de chefs d'équipe, un stage de chefs de cordée, deux stages d'information ouvrière, un stage d'information groupant des personnalités de divers organismes de la Famille Aérienne, un stage d'aide-médecins, un stage d'agents comptables, et, en novembre, un stage de chefs de patrouille.

L'Ecole Alpine organisa, du 15 juin au 15 septembre, le premier stage de chefs de cordée de trois mois qui se soit proposé la formation complète de moniteurs alpins : la "promotion André Cachat", qui en résulta, comptait 24 chefs de cordée éprouvés dans une série de cours et de courses qui permirent d'affronter, dans le Massif de Chamonix, des "Grandes Classiques".
Le stage de chefs d'équipe dura du 10 mai au 20 août et forma la promotion Jean Dubourg, avec 33 chefs, dont 4 chefs de Formation Générale.

Les deux premiers stages d'information ouvrière groupèrent une trentaine de stagiaires en provenance des industries privées de l'Aéronautique et des Etablissements de l'Etat.
Ceux-ci furent répartis en équipes qui, pendant un mois, vécurent, sous la direction d'instructeurs de l'Ecole, une partie de la vie normale du stage de C.E. avec lesquels ils avaient des contacts journaliers. En plus, un programme d'Etudes Sociales leur développait les idées précédemment mises en avant dans le Bulletin des Chefs. Deux conférenciers, venus de l'extérieur, y ont apporté une aide appréciée.

Du 15 juillet au 15 août eut lieu un stage spécial, groupant des personnalités des divers organismes de la Famille Aérienne : représentants des Industries Aéronautiques, ingénieurs et chefs de maîtrise dans les usines, chefs de Centre d'apprentissage, enfin.
Il s'agissait surtout d'un stage d'information, où les participants gardèrent une très grande liberté. Nous n'eûmes d'autre pensée que de leur faire connaître impartialement notre but et notre effort.
Enfin, le 16 novembre, une décision du Commissaire-Chef consacra l'autonomie de l'ancien "Centre-Ecole" en l'élevant au rang d'un Groupement indépendant.

Montroc (1943 - 1944)
Une terrible catastrophe, celle de l'équipe Ruby au Lac Blanc, termina tragiquement cette période d'activité, au cours d'un de ces inter-stages que meublait seulement le stage de chef de patrouille le 25 novembre.
Après des journées dramatiques, l'Ecole se remit à la tâche. En même temps, arrivait la nouvelle du transfert de presque tous les Centres de JM. dans des cités industrielles.
Les événements amenèrent l'Ecole des Cadres à envisager la formation des chefs du nouveau stage de chefs d'équipe, qui commençait le 15 janvier 1944 et devait durer quatre mois, en axant de plus en plus les stagiaires vers les questions de la vie en usine. Une trentaine de chefs composa cette dernière promotion de 1 Ecole des Cadres.

Deux stages d'Information Economique et Sociale ont réuni, en janvier, février et mars, plus d une trentaine de jeunes ouvriers des Industries Aéronautiques. Ces stages ont été conçus comme ceux de l'été précédent, les stagiaires étant répartis en équipes : ils ont été plus complets, se rapprochant davantage de la formule des stages de C.E., car on s'était aperçu au cours des expériences précédentes que le problème de la culture générale notamment éveillait un vif intérêt dans cet auditoire. Enfin un troisième stage ouvrier, en mars 1944, réunit quelques jeunes techniciens ex-J.M., employés dans les détachements de la P.I.

Ces diverses activités nous conduisent jusqu'à la période tout à fait contemporaine. La transformation des Centres et des Groupements de J.M. en organismes relevant du Ministère de la Production Industrielle, qui avait déterminé une orientation plus marquée encore de l'Ecole des Cadres vers les problèmes de la vie en usine, n'avait cependant pas changé sa position en montagne. Elle continuait par ailleurs sa liaison avec les anciens Centres, aux yeux de qui elle devenait par la force des choses, la dernière expression de ce qui avait été l'idéal J.M.

Enfin, le 12 mai 1944 l'Ecole des Cadres de J.M., chassée de Montroc par une injonction allemande quittait la Savoie ; elle se repliait en Auvergne.

[Ce qui suit est tiré des "Souvenirs d'Avergne" d'Henri Laurent, texte téléchargeable en cliquant
ici]

Le 1er juin 1944, un courrier de Chatel-Guyon nous informait que l'Ecole des Cadres était dissoute et son personnel mis à la disposition du Groupement Chantiers de Theix qu'il fallait rejoindre dans les 24 heures. Heureusement, l'ordre venu de Londres, via la B. B. C. :

"Coup d'envoi à quinze heures !"
fut diffusé ce même jour.

Le 3 juin, après avoir gagné du temps durant deux jours, tout était prêt pour que l'ex-Ecole des Cadres devienne "La Colonne Rapide n°6 des F.F.I. d'Auvergne", puis plus tard "la 1/2 Brigade Renaud de la Division d'Auvergne".